Nadia Boulanger
1887-1979
Nadia Boulanger naît dans une famille comportant quatre générations de musiciens. Encouragée par son père compositeur, chef d'orchestre et professeur de chant, elle commence à étudier l’orgue et la composition à l'âge de neuf ans.En 1903, elle devient organiste suppléante de Gabriel Fauré, puis de Henri Dallier à l'orgue de l'Église de la Madeleine. Au Conservatoire de Paris, elle est élève de Louis Vierne et fait une scolarité brillante : à 16 ans, elle obtient les premiers prix d’orgue, d’accompagnement et de composition. En 1908, elle remporte un deuxième second grand prix de Rome de composition.
Ayant su user de méthodes et de techniques modernes, Nadia Boulanger est, durant plus de 70 ans, l'un des professeurs de composition les plus influents du XXe siècle, comptant parmi ses 1 200 élèves plusieurs générations de compositeurs américains, tels Aaron Copland et Philip Glass, un des chefs de file de la musique minimaliste.
Nadia Boulanger fut professeur du Conservatoire américain de Fontainebleau dès sa création en 1921, et directrice de 1948 jusqu'à sa mort en 1979. Dès la première session, elle établit sa réputation de remarquable professeur tant elle semble tout connaître de l’harmonie et de la tonalité occidentales.
Au cours de sa longue carrière, les milliers d’étudiants qui vinrent de l’étranger pour assister à ses cours ont été captivés par son talent, ses connaissances et sa philosophie : « Je suis votre degré de tension le plus élevé, disait-elle. Écoutez-le en vous-même. »
Restée célibataire toute sa vie ("Mademoiselle" c'est ainsi qu'on l'appelait), Nadia Boulanger était très croyante et catholique pratiquante.
Elle repose, ainsi que sa sœur, au cimetière de Montmartre.
Yvonne Lefébure
1898-1986
Yvonne
Lefébure, née le 29 juin 1898 à
Ermont et décédée le 23 janvier
1986 à Paris, était une pianiste et pédagogue
française. Elle a transmis à des générations
de musiciens du monde entier grâce à ses
leçons, ses cours d'interprétation, ses
récitals et ses enregistrements une tradition
du grand piano français héritée
de Cortot.
Enfant
prodige, elle a très tôt le don de
la musique. Tout d'abord élève de Marguerite
Long,avec laquelle elle a peu d'atomes crochus, elle
entre au Conservatoire National de Musique en solfège
à neuf ans avec une dispense et en classe de
piano préparatoire à dix ans. Elle
obtient son Premier prix de Piano dans la classe de
Cortot à 14 ans puis poursuit ses études
au Conservatoire dans les classes d'écriture
jusqu'en 1919 et obtient chaque année un Premier
Prix (harmonie, contrepoint, histoire de la musique,
accompagnement et fugue dans les classes de Widor,Caussade,
Dukas, Emmanuel).
Sa carrière
de pianiste commence très tôt : premier
récital à treize ans et premier concert
avec orchestre à quatorze ans (concerto en sol
mineur de Saint-Saëns). Elle commence alors à
se produire en récital ou avec orchestre
dans toute l'Europe et en Afrique du Nord.
Sa carrière
de professeur est encouragée par Cortot
qui crée en 1919 l'Ecole Normale de Musique
: très vite, il invite Yvonne Lefébure
comme assistante puis la fera nommer Professeur.
A partir de 1936 jusqu'en 1939, Yvonne Lefébure
partage les cours d'interprétation avec
Cortot à l'Ecole Normale de Musique. Cortot appuie
sa candidature au Conservatoire pour remplacer Isidor
Philipp en 1934 mais en vain.
Alfred
Cortot a été le premier inspirateur
du jeu d'Yvonne Lefébure : puissance, grandeur,
grande sensibilité et polyphonie bien différenciée.
Toute sa vie, elle rendra hommage à ce modèle
qu'il fut pour elle au départ dans le répertoire
romantique et à leur collaboration jusqu'en
1939. En 1940, leurs choix face à la guerre les
séparent. Alfred Cortot rejoint le Gouvernement
à Vichy pour y occuper des postes
officiels importants tandis qu'Yvonne Lefébure
fuit Paris occupée, arrête tout concert
public, rejoint d'autres artistes à Dieulefit
dans la Drôme puis Perpignan pour faciliter le
passage en Espagne de son compagnon Fred Goldbeck.
C'est pendant
ces années de guerre qu' Yvonne Lefébure
joue fréquemment avec Pablo Casals.
Ce dernier lui révèle Bach,
la rigueur et l'émotion, la valeur du travail
quotidien avec une remise en question permanente.
Le troisième
homme qui a marqué toute sa vie de musicienne
est Fred Goldbeck auprès duquel elle
a traversé presque tout le vingtième siècle
: chef d'orchestre et musicologue, il l'a sans cesse
aidée à modérer son tempérament
volcanique qui parfois la poussait à jouer un
peu vite. Ces deux inséparables se sont
finalement mariés en 1947.
Après
la guerre, Yvonne Lefébure reprend son poste
de Professeur à L'Ecole Normale de Musique et
obtient enfin sa nomination comme Professeur au
Conservatoire National de Paris en 1952, poste qu'elle
occupera jusqu'à sa mise en retraite en 1967.(
Elle avait naturellement refusé de
prendre la place au Conservatoire de Lazare Levy lorsqu'il
fut renvoyé en 1940 par les lois anti-juives
de l'Etat français. ).Elle y excelle ; en 1963
ses sept élèves présentés
obtiennent sept Premiers Prix ! Yvonne Lefébure
poursuit après 1967 son enseignement au
Conservatoire Européen.
L'enseignement
a été une des deux plus grandes
réussites de la carrière d'Yvonne Lefébure.
Hélène Boschi, Dinu Lipatti, Samson François,
Sébastien Risler, Pierre Reach, Catherine Collard,
Michaël Levinas, Setrak, Françoise Thinat,
Imogen Cooper entre autres, ont été
ses élèves.
Après
la guerre, Yvonne Lefébure met au point
sa propre version des Cours d'interprétation
, un art qu'elle a commencé d'exercer aux
côtés de Cortot, qu'elle a perfectionné
seule et qui restera un exemple unique et
insurpassable au vingtième siècle dans
l'art d'enseigner la musique : l'élève
joue l'œuvre en entier,puis , en fonction de ses
potentiels digitaux, musicaux et psychologiques ,
Yvonne Lefébure entre dans le détail
technique afin de corriger certains passages, en changeant
les doigtés, les phrasés , parvient
à faire immédiatement progresser l'élève
sur certains plans, puis Yvonne Lefébure se lance
dans une interprétation commentée de l'œuvre
(elle parle tout en jouant) de façon à
ce que l'élève puisse reprendre sa propre
interprétation sur de nouvelles bases.
Les échanges permanents avec l'élève
et l'explication par l'exemple de l'œuvre, ce souci
pédagogique où sont intimement liés
en permanence les capacités propres de l'élève,
le sens à donner à cette œuvre et la
progression du jeu de l'élève ,
tel a été ce style personnel et
original d'un genre qu'on nomme maintenant classe de
maître ou master-class.
Yvonne
Lefébure était capable de tout jouer pour
ses élèves, mais en concert, elle a consacré
sa longue carrière à quelques chefs
d'œuvres qu'elle a toujours défendus au plus
haut niveau.
Peu de
concertos : le concerto en ré mineur de Bach
avec Pablo Casals au premier concert du premier festival
de Prades en 1950, le concerto en ré mineur
de Mozart dirigé par Furtwangler à
Lugano en 1954 (sans doute sa plus belle expérience
avec orchestre), mais surtout, le concerto de Schumann,
le concerto en sol de Ravel et le quatrième concerto
de Beethoven (qu'elle jouera encore en 1981 lors de
son dernier concert )
Son tempérament
fougueux et puissant la destinait plus au récital
qu'à la musique de chambre ; il y eut toutefois
quelques grandes rencontres avec le quatuor Calvet ou
le quatuor Parrenin pour des quintettes (Fauré,
Schumann), avec Pablo Casals pour les sonates de Beethoven,
avec Sandor Vegh pour les sonates de Beethoven et
un unique récital de chant avec Peter Pears.
Yvonne
Lefebure a été avant tout
une des rares pianistes à jouer les Variations
Diabelli de Beethoven dès les années trente,
puis l'opus 110, l'opus 109 et l'opus 111,ces trois
dernières sonates de Beethoven qu'elle défendra
jusqu'à ses derniers récitals. Son
jeu polyphonique où la conduite horizontale
de chaque voix se fait avec une couleur
particulière lui a particulièrement réussi
dans Bach : les transcriptions de Liszt ou de Busoni
et la Première Partitia en particulier. Son élan
passionné convenait parfaitement à
Schumann : le plus souvent les Davidsbündlertänze
et les Variations Posthumes et rarement,
la Fantaisie. Enfin, Yvonne Lefébure a défendu
la musique française à chacun de
ses récitals ; elle a connu Debussy,Fauré,
Ravel, Dukas et Emmanuel (la 4° sonatine lui est
dédiée) et les a interprétés
de façon incomparable. Les Préludes, les
Estampes, les Images, l' Isle Joyeuse de Debussy, les
6° et 13° Nocturnes, Thème et Variations,
le 3° Impromptu, la 6°Barcarolle de Fauré,
tout Ravel sauf Gaspard de la Nuit, tout Dukas et tout
Emmanuel.
Sa technique
de plans sonores différenciés et son jeu
de pédales partielles ont fait d'Yvonne Lefébure
une des plus grandes spécialistes de Debussy
: elle a crée le prix Debussy, un concours de
piano qui porte son nom et a légué ses
biens à une fondation afin de pourvoir les lauréats
de bourses après sa mort. Dans la maison natale
de Debussy à Saint-Germain en Laye, l'auditorium
porte son nom.
Que peut-on
lire, voir ou entendre sur Yvonne Lefébure
aujourd'hui ?
Des rares
disques enregistrés avant 1973, il reste quelques
rééditions chez EMI Classicals des Variations
Diabelli, de l'Opus 109 et de l'Opus 110 de Beethoven,
un précieux témoignage des années
1954 -1956 ainsi que du 20° concerto de Mozart
sous la direction de Furtwängler enregistré
à la radio suisse à Lugano en 1954.
On doit
à l'initiative de François et Yvette Carbou
toutes les parutions sur Yvonne Lefébure
depuis 1974 : une somme irremplaçable sans laquelle
cette extraordinaire musicienne serait aujourd'hui oubliée.
François
Carbou a demandé à Yvonne Lefébure
d'enregistrer tout son répertoire : c'est ainsi
qu'en quelques années sont nés sous
le label FY, devenu Sostice, ces disques consacrée
à Emmanuel, Dukas, Ravel, Bach, Beethoven, Fauré,
Schumann, Schubert, Debussy.
S'y sont
ajoutés des enregistrements faits à la
Radio : les concertos de Ravel, de Schumann, une rarissime
opus 106 de Beethoven, des pièces de Bartok,
de Rameau, de Brahms, des préludes de Debussy
etc..
Yvette
Carbou a réuni dans un DVD des documents filmés
lors de cours d'interprétation, du Grand Echiquier
et d'autres émissions de télévision,
ainsi que des témoignages de ses amis proches.
Ces images d'une vie extraordinaire (en particulier
lors d'un cours d'interprétation sur l'opus 110
de Beethoven) donnent l'idée la plus
exacte de ce qu'a été l'incroyable charisme
de cette musicienne.
Yvette
Carbou a publié chez Van de Velde un précieux
livre consacré à Yvonne Lefébure
où elle a choisi ses textes les plus significatifs.
Après
la disparition d'Yvonne Lefébure, Henri Louis
de Lagrange a réuni tous les documents
appartenant à Yvonne Lefébure et à
Fred Goldbeck dans un fonds d'archives à
la Médiathèque Musicale Mahler.
Grâce
au remarquable travail de classement effectué
principalement par Marie Jo Blavette, il est possible
de consulter tous ces documents sur demande et d'en
consulter le catalogue en ligne sur le site de la Médiathèque.
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