L'émancipation du pouce

Cette émancipation est exigée dès le 18è siècle par une technique qui se complique; d'autre part cette émancipation va jouer un rôle décisif dans la multiplication des traits brillants, permettre la course véloce sur tout le clavier, autoriser des arpèges extrémement rapides.

L'ancien doigté postulait l'infériorité du pouce et du petit doigt, en les faisant intervenir le moins possible. Ces "mauvais" doigts ne servaient qu'à plaquer les accords. Les gammes se jouaient donc avec les doigtés suivants: 2-3-2-3 ou 2-3-4-2-3-4. Dans la textes anglais l'exclusion du pouce est soulignée par son symbole: 0 ou X, l'index étant alors le 1er doigt.

Carl Philip Emmanuel Bach proclame avec enthousiasme la découverte du pouce:
"Comme la nature n'a fait aucun doigt qui ne soit plus que le pouce habile à se glisser sous les autres, cette habileté de même que la briéveté de sa taille permettent de l'employer uniquement pour passer sous les autres aux endroits et au moment où ceux-ci n'y suffisent pas".
Tout, cependant, n'est pas permis: il déclare "condamnable" le passage du pouce sous le petit doigt, et donc du petit doigt au-dessus du pouce.
Les toutes dernières restrictions seront levées par le romantisme. Chopin fait du pouce un usage occasionnellement téméraire, certains accords n'étant jouables que parce que le pouce joue simultanément 2 touches noires! (mesure 12).