Stephen Scott n'a qu'une obsession : jouer à l'intérieur du piano, en tapant, frottant et pinçant les cordes. Encore un disciple de John Cage, oui, mais il invente aussi de nouvelles techniques de jeu... comme ces ficelles tendues pour créer des archets.
Né en 1944 dans l'Oregon, Stephen Scott suit une éducation musicale sous le signe de l'ouverture : clarinette et saxophone pour commencer, transcription d'enregistrements de Charlie Parker, Miles Davis ou Gil Evans ensuite, et pour finir une solide formation académique de composition, complétée par des études de musiques africaines au Ghana, en Tanzanie et au Zimbabwe en 1970. C'est en 1977 qu'il crée le Bowed Piano Ensemble : dix interprètes tirent de l'intérieur d'un seul grand piano un orchestre riche en couleurs et en textures. Ils utilisent des filaments de nylon, des crins, des marteaux de piano tenus à la main, des grattoirs de guitare et d'autres moyens encore pour que les entrailles du piano livrent tout un monde inconnu, dans la lignée du piano préparé mis au point par John Cage dans les années 40. Plusieurs disques retracent le développement de cet ensemble.
En 1996, Vikings of the Sunrise
montre déjà l'ampleur du parcours, sa richesse. L'oeuvre, de près
d'une heure, est un hymne aux navigateurs ayant exploré le
Pacifique, depuis des temps reculés jusqu'à Magellan et James Cook. Un
souffle épique parcourt cette vaste fresque d'une incroyable
variété sonore et rythmique : harpes, mandolines, cordes et
percussions jaillissent comme des eaux primordiales, inouïes.
Arcs-en-ciel frottés d'étincelles, grandes vagues frangées de cuivre et
d'or, tempêtes fastueuses agitent le piano frappé, pincé,
caressé par des archets soyeux ou métalliques jusqu'à ce qu'il rende l'âme qu'il gardait secrète derrière
sa double rangée de touches blanches et noires...Il ne lui manquait plus que la voix .
C'est chose faite depuis la parution en janvier 2007 de The Deep Spaces. La soprano Victoria
Hansen, qui a déjà tourné avec l'ensemble, y interprète une série de textes célébrant les
beautés du lac
de Côme. Après un préliminaire de piano-orchestral, le disque
s'ouvre par un fragment de lettre de Pline, se poursuit avec des poèmes
de Wordsworth, Byron, un autre fragment de lettre dû à Mary
Shelley, pour se terminer sur un poème contemporain de Pablo Medina,
poète et romancier cubain. Nourrie de réminiscences de Liszt et
Berlioz, la musique est plus charmeuse, d'une rondeur
épanouïe. On n'en reste pas moins stupéfait de la largeur de palette
de l'Ensemble, manifestement de plus en plus à l'aise. Stephen Scott
est un maître peintre-musicien, paysagiste subtil et
inspiré : un inventeur de beautés vierges.
A l'origine la création du concept de "Bowed Piano", c'est à dire le
fait de jouer du piano à l'aide d'un "archet", est attribué au
compositeur Curtis Curtis-Smith en 1972. La technique consiste à faire
glisser sous les cordes du piano un "archet flexible" constitué de
mono-filaments en nylon façon ligne de canne à pêche. Ainsi
l'on obtient un son de piano pouvant avoir un sustain infini !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire